
L’Espagne y est. Elle complète le grand huit du football mondial. La huitième nation à remporter une Coupe du monde. Une anomalie réparée, en un sens. Comme il aurait été anormal que l’Espagne ne triomphe pas lors de cette finale, sa première, entre deux nations royales, représentées en tribune officielle par les têtes couronnées, à côté de Nelson Mandela, venu faire une apparition.
Certes, la Roja n’a pas offert son plus beau visage en deux ans de règne presque ininterrompu, à l’exception de deux revers face aux Etats-Unis et laf Suisse. D’ailleurs ces deux accrocs auront été concédés en Afrique du Sud. Le premier lors de la demi-finale de la Coupe des confédérations et le second lors du premier match de poule de ce Mondial. Car l’Espagne est le premier champion du monde à avoir ouvert son tournoi par une défaite. C’est aussi la plus faible attaque parmi les dix-neuf vainqueurs. Un paradoxe en comparaison de son potentiel offensif. Oui mais cette Espagne, belle à regarder jouer, se regarde un peu trop elle-même. Elle aime posséder le ballon, faire courir ses adversaires dans la largeur, sans nécessairement se procurer des occasions nettes. Alors elle n’a décoché que huit flèches en sept rencontres, dont cinq par le seul Villa. Mais elle n’a encaissé que deux buts, et aucun lors de la phase à élimination directe. Comme un symbole. Cette Espagne de Xavi, Iniesta, Villa ou Torres et un coffre inviolable. Puyol et Piqué ne laissent pas passer grand-chose, et lorsque ça passe, « San Iker » veille. A l’image de toute son équipe, Casillas est monté en puissance au fil du mois de compétition. Contesté au départ pour sa terne saison avec le Real Madrid et la sérieuse concurrence de Valdès et Reine, accablé par sa sortie ratée devant Derdiyok, ayant amené le but de Gelson Fernandes, lors de la partie inaugurale, puis héroïque en quart de finale en repoussant le penalty de Cardozo. Et en finale, il a mérité d’être le premier espagnol de l’histoire à soulever le trophée. En bon capitaine, il a remporté ses deux duels devant Robben, les deux seules actions Néerlandaises. Du bout du pied droit, en ayant plongé à gauche, puis en se jetant dans les pieds d’un chauve, pas divin en finale cette année (il a aussi perdu la finale de la Ligue des champions avec le Bayern Munich face à l’Inter Milan, 2-0), ralenti par un Puyol à l’intervention peu licite mais non sanctionnée.
Monsieur Webb passe à côté
D’ailleurs au rayon des imprécisions arbitrales, Monsieur Webb a brillé. En oubliant plusieurs expulsions, avant de céder au détriment de Heitinga, pas le plus violent des néerlandais, qui en accrochant Iniesta parti au but, annihilait une occasion de but. Comme Van Bommel et De Jong avaient mis en danger l’intégrité physique d’Iniesta et Xabi Aonso en grand danger, très grand même. Deux gestes incroyablement violents et sanctionnés de simples avertissements. Monsieur Webb ne voulut pas fausser la finale, il l’a laissée pourrir, jusqu’à un stade incroyable. Car ce match ne restera pas dans l’histoire pour son jeu. Peu d’occasions, à l’exceptions de deux têtes - une par mi-temps - de Sergio Ramos. Fabregas en début de prolongation perdit son duel face à Stekelenburg, quand Iniesta le refusa en ajoutant un dribble de trop dans la surface. Les deux hommes qui furent les protagonistes principaux sur un but aux aspects doré, à quatre minutes de la fin. Cesc trouvant Iniesta, en position régulière, qui d’une reprise du pied droit délivra une équipe dont l’image de perdante aux tirs aux buts s’installait progressivement. Comme le jeu qui était présent, enfin, dans la prolongation.
L'avenir s'annonce radieux
C’est un fabuleux doublé Euro – Mondial que seul l’Allemagne en 1974 avait réalisé, la France l’ayant fait dans l’autre sens, en 2000. Et cette équipe est jeune. Voir Navas (24 ans) entrer dans cette finale avec une telle désinvolture, Pedro (22 ans), allumer le jeu de son équipe en demi-finale, Fabregas (23 ans), apporter son talent à chacune de ses entrées, Sergio Ramos (23 ans), s’imposer comme une référence à son poste et sur les balles aériennes, Piqué (23 ans), être intraitable au duel, Busquets (21 ans), une véritable sentinelle sachant construire. Sans oublier Silva (24 ans), mais aussi les encore jeunes Iniesta (26 ans) et Torres (26 ans). Tous, dans quatre ans, au Brésil, seront au sommet de leur carrière et de leur niveau. Comme de nombreux néerlandais, sans doute, sauf Van Bronckhorst, dont la carrière s’est achevée par une finale perdue. Ce soir, Madrid est rouge, Barcelone est rouge, Bilbao est rouge, toute l’Espagne, si régionaliste et divisée, est rouge. Rouge de bonheur. Comme le Monde d’avoir un si beau lauréat. Et elle pourrait le rester un long moment.
