lundi 29 novembre 2010

La main des Dieux

Barcelone a largement dominé le Real Madrid ce lundi sur la pelouse du Camp Nou (5-0) et prend dans le même temps la tête d'une Liga dont il devient le grand favori.C’est ce qui s’appelle une gifle. Mais alors une sacrée. Les cinq doigts écartés, avec de l’élan et qui laisse une trace intemporelle, dans la tête notamment. Un peu comme le 6 à 2 infligé à Bernabeu par ce même Barça, il y a deux saisons (le 2 mai 09).
Pourtant, le Real Madrid s’est équipé cet été pour ne plus revivre pareille humiliation. Mais que les Khedira, Carvalho, Ozil ou Di Maria ont semblé petits. Aussi petits que tous leurs coéquipiers en somme. Aussi petits que José Mourinho sur son banc. Un siège en cuir qu’il n’a que rarement quitté pour ce qui est sa première défaite avec le Real. Le visage grave et le regard dans le vide. Comme tous les Merengues. Mais plus que toutes les recrues, plus que Ronaldo, le « special one », devenu le « Mou » en juin était attendu. Après son braquage à la milanaise au printemps dernier avec l’Inter sur cette même pelouse du Camp Nou, en demi-finales de la Ligue des Champions (3-1, 0-1) qu’allait sortir de son tableau le messie pour bloquer Messi and co? Et bien rien. Une composition classique en 4-2-3-1. Comme pour confirmer qu’il tenait compte de la fameuse culture du club. Le Real est offensif et n’a pas peur du Barça, surtout. Seule modification, Benzema étant en pointe à la place de Higuain, diminué par une lombalgie. Le Français qui n’a pas saisi sa chance. S’il a eu très peu d’opportunités, il n’a pas su les bonifier par une technique souvent approximative, se heurtant à un Puyol déchaîné qui n’a pas lâché Ronaldo non plus, réalisant des courses de 50 mètres, juste pour tamponner le grand Cristiano.
Si le Real était classique, Barcelone l’était aussi avec Messi en électron libre, revenant souvent au niveau de Xavi et Inesta associés au milieu devant Busquets, Villa étant à gauche. Barcelone avait comme toujours le ballon dans les pieds, allant jusqu'à 77% de possession avant la mi-temps. Un jeu de passe enivrant que le Real n’a que modérément contesté au début, préférant une défense parfois à 5 avec Di Maria qui suivait Alves sur son aile à la trace. Car Mourinho a finalement tout tenté pour contrecarrer la marche triomphale catalane. Mais laisser la balle au Barça lorsqu’il est dans un grand soir s’avère punitif. Ainsi, Xavi était à la conclusion d’une fluide construction en reprenant de volée, devant Casillas, un service parfait d’Iniesta (10e). Puis, au terme d’une minute ininterrompue de jeu à une touche de balle, Villa, seul sur l’aile gauche, trouvait d’un centre tendu devant le but Pedro (18e, 2-0).
Autre solution testée, le pressing tout terrain, expérimentée en début de deuxième période avec Lass Diarra qui avait remplacé Ozil pour calquer le schéma madrilène sur celui de son adversaire. Pour un constat identique : Deux buts rapides. Les deux sur des offrandes de Messi pour Villa à chaque fois à la limite du hors-jeu (3-0, 58e). Juste avant, Xavi avait « gâché » une offrande de l’actuel Ballon d’Or en ne redressant pas suffisamment sa frappe.

Une démonstration "fantastica"

La seule réponse des madrilènes fut physique, dans le moment sens du terme. Apathiques sur le terrain, ils perdaient leur sang froid. Ronaldo poussait Guardiola, le grand gagnant de la soirée, qui s'est toujours imposé dans le clasico depuis qu'il entraîne les Blaugrana, en première période parce que le coach catalan ne lui avait pas donné la balle sortie en touche (36e). S'en suivit un ton agressif dans les deux camps puis presque dans l'instant Ronado s'écroulait dans la surface lors d'un contact avec Valdes. Mais l'arbitre ne bronchait pas, jugeant que le Portugais avait amplifié sa chute et qu'il avait poussé le ballon pour provoquer ce contact (39e). Fermant l'unique période de légère domination madrilène de 3 minutes...
En fin de partie, Ramos allumait la cheville gauche de Messi par pure méchanceté. Un geste sanctionné d’une expulsion qui complétait l’addition des cartons jaunes (7 pour le Real et 5 pour le Barça). C’était après la cinquième réalisation de la soirée, signée Jeffren sur un service de Bojan (5-0, 90e+1). Un but 100% sorti du banc et de la masia, le centre de formation du Barça. Comme un symbole. Face à la très chère formation de la capitale, les petits jeunes ont offert « la manita » tant espérée (8 joueurs formés à Barcelone au coup d'envoi contre 1 au Real, Casillas). Mais davantage que le score signé en sept frappes cadrées, la manière interpelle. Les deux tiers de possession du Barça en sont l’illustration. Si cette statistique est généralement à prendre avec des pincettes, ce lundi soir, elle révélait la totale domination catalane.
Il n’aura manqué qu’un petit but du monstrueux Messi, qui l’a pourtant cherché par moments, trouvant le poteau en début de match (6e), pour que la soirée barcelonaise soit encore plus parfaite et que la défense du Real encaisse autant de buts en un match que depuis le début de la saison en Liga - six. Mais au lendemain des élections législatives dans la région durant lesquelles l’ancien président du Barça, Laporta, a été élu, les 98 000 socios s’en sont contentés en tendant haut les mains vers le ciel, au terme d’un « clasico » écrit en blaugrana et en majuscule.
Le retour à Madrid, le 17 avril 2011, sera forcément électrique avec un record à égaler pour le Barça qui visera un sixième succès de rang face à son pire ennemi. Un record détenu par le Real entre 1962 et 1965 qui ne tient plus qu'à un fil. Comme pas mal de certitudes à Madrid qui a même abandonné son fauteuil de leader de la Liga à son bourreau.




mercredi 17 novembre 2010

Tout deviendrait possible...

La France a signé une victoire de prestige à Wembley, comme en 1999, face à une terne et amoindrie Angleterre.

Les Bleus ont achevé trente huit années de cohabitation avec Adidas par une victoire. La 222e en 391 parties. Un succès avec trois buts, c’était la moindre des choses pour remercier l’équipementier aux trois bandes de tous les titres et de toutes les galères, notamment récentes, pour sa fidélité. Un beau point final, avant d’ouvrir une nouvelle ère par une virgule.
Sportivement, pour établir une comparaison, cette rencontre tombait à pic. Encore davantage lorsque l’on confrontait le nombre de sélections des deux équipes au coup d’envoi. 271 capes côté Anglais et 271 capes côté Français. Une égalité parfaite, avec tout de même 62 % des sélections détenues par deux hommes en Angleterre (80 pour Ferdinand et 89 pour Gerard) pour trois joueurs à deux sélections ou moins (deuxième pour Gibbs, première pour Henderson et Carroll). C’est le principal enseignement. L’équipe de France en configuration optimale, moins Alou Diarra et Diaby, peut-être, est bien meilleure que cette Angleterre. Mais qu’en serait-il avec Terry, Ashley Cole, Lampard, Defoe, Rooney, Bent et Hart ? Les bases de l’actuel sixième au classement FIFA. On ne le saura jamais. Ou alors durant l’Euro 2012. Qui sait, si les deux nations venaient à se croiser.
D’ailleurs, la disposition bleue à Wembley pourrait être un tournant dans la récente chronique française. Nasri et Gourcuff ont été associés au départ. Une première intéressante. Dans une situation de contrôle comme le fut la France, leurs qualités conjointes permettent de maîtriser de façon ostentatoire la balle et de proposer de beaux enchaînements avec Malouda et Benzema, surtout. En revanche, sur les rares pertes de balles, l'équilibre est assez précaire avec le seul M'Vila devant la défense. L’avant-centre parfois contesté et contestable a clos le peu de débat qui existait sur l’identité du numéro 9 par son but (le 3e en quatre matches) et sa prestation dans l'ensemble. Quant à Abidal, il a repris sa place comme si Clichy ne l’avait jamais convoitée.

Benzema confirme sa place, Nasri aussi

En ce sens, la France a présenté une copie plus que propre. Elle avait besoin d’un match référence. Elle ne l’a pas forcément réalisé intégralement mais les progrès et surtout les enseignements sont plus fournis que lors des quatre matches éliminatoires réunis.
Ainsi, l’entrée, pied au planché des Bleus a noyé des Anglais sous les trombes d’eau qui tombaient depuis la fin de l’après-midi sur Londres, n’améliorant pas l’état déjà terne de la pelouse. Si la frappe de Gourcuff se heurta à un arrêt approximatif de Foster (12e), le une-deux Benzema - Malouda conclut, du gauche et dans un angle fermé, par le Madrilène ouvrit rapidement la marque (16e), permettant à ses coéquipiers de contrôler, sans être réellement inquiétés. Car si le talent manquait dans l’équipe de Capello, l’agressivité faisait aussi défaut, surtout en première période, ce qui est sûrement plus inquiétant pour le coach italien.
La sortie des deux hommes de base des défenses n’allait pas être favorable aux Anglais. Sans Ferdinand dans un camp et Mexès de l’autre, Sakho chipait le cuir à Gerard à l’entrée de la surface (52e) et Valbuena était seul à la réception d’un centre de Sagna qu’il envoya, d’une volée du droit, dans les filets de Foster (2-0, 55e).
Même si les dernières minutes étaient en dedans et les Anglais présentaient un brin de pressing et d’envie, seul Gerard se montrait dangereux, en trouvant le haut de la transversale (63e) et en dévissant (81e), dans un premier temps.

Petit sursaut anglais en fin de match

Laurent Blanc offrait même des miettes à Alou Diarra qui purge depuis cinq semaines une suspension avec Bordeaux. Une idée contestable. Pas au niveau de l’éthique. Juste de la compétitivité, puisque le grand bordelais lâcha le marquage de Peter Crouch sur un corner, laissant le géant (2m01) marquer un 22e but en blanc, vingt secondes après son entrée en jeu, à la place de Gerard, blessé (1-2, 87e). Bothroyd, le première joueur de Cardiff (D2) à honorer une sélection anglaise, avait même la balle d’égalisation sur son crâne (90e+2), bien captée par Lloris, quatrième capitaine sous Blanc. La France a donc tremblé, la faute aux six changements notamment, à la fin d’un match qu’elle maîtrisait.
De quoi apporter un léger bémol au moment d’entrer dans une longue période sans matches. Près de trois mois durant lesquels Laurent Blanc aura à dresser un premier bilan de son action et de ses hommes, avant la réception, le 9 février, d’un Brésil défait à Doha par l’Argentine de Leo Messi sur une frappe croisée dont il a le secret, dans le temps additionnel, hier après-midi (1-0). C’est ainsi. À défaut de véritables adversaires dans son groupe, la France en est réduit à se rassurer, voire à se tester lors d’oppositions amicales. De là à ce qu'avec ce groupe, dans quelques mois, tout (re)devienne possible...

vendredi 12 novembre 2010

L'histoire est encore plus rancunière que les hommes *

Si les résultats sont de retour depuis peu, l'équipe de France a du mal à tourner la page de la Coupe du monde 2010. Logique.

Alors que l’histoire des primes refait surface, renvoyant plus de quatre mois en arrière, vers un temps que le football français pensait avoir soldé, et donc effacé à coup d’état généraux et de licenciement. Seulement, l’histoire n’est pas écrite par quelques hommes dans des bureaux souvent trop grands pour eux. Elle ne l’a jamais été et ne le sera jamais. L’Histoire n’a pas vocation a être oubliée, mais plutôt conservée pour se rappeler des grands et des mauvais moments, comme une leçon collective. Alors, quelques jours avant de se souvenir de la première guerre mondiale à l’occasion du 11 novembre, trop souvent catalogué comme simple jour férié, si possible synonyme de pont les bonnes années, le football français a tout fait pour ne pas signer l’armistice avec ses erreurs passées. Alors oui, les joueurs de l’équipe de France, en tout cas certains, veulent toucher des primes alors que Patrice Evra avait publiquement annoncé le renoncement général au soir d’une élimination au premier tour d’une Coupe du monde désastreuse. Mais ce qui dérange la Fédération n’est ce retour en arrière afin que des œuvres caritatives profitent des plus de 3 millions d’euros. Si la démarche présentée par Alou Diarra est véridique, pourquoi ne pas les laisser faire ? Seulement, la FFF a un déficit de 1,5 million d’euros au 30 juin. Et la manne doit être reversée au football amateur, en partie. Le reste ? Direct dans les caisses. Ou comment rattraper des multiples erreurs sans effort.

Domenech respecte la loi, lui

Dans le même temps, le nouveau roi du poker et du pôle emploi a officiellement lancé sa campagne d’enrichissement personnel. En attaquant la 3F aux prud’hommes il a juste suivi la loi et les droits qui lui sont offerts, comme à chaque travailleur français. Lui tomber dessus, alors que l’on manifeste pour préserver en l’état le système des retraites ne manque de saveur. Mais, la somme demandée crée également le choc. 2,9 millions d’euros, c’est osé. Sauf que la Fédération a rompu un CDI de cadre à la direction technique nationale pour des motifs relevant de sa fonction de sélectionneur. Une mission sous CDD achevée au moment du licenciement. Comment plaider le renvoi pour faute grave (lecture de la lettre des joueurs, refus de saluer Parreira…) alors que les faits ne concernaient pas la fonction du contrat rompu ? Domenech va donc gagner aux prud’hommes parce que Duchaussoy, le président intérimaire (même s’il semble oublier ce dernier mot) s’est comporté comme un amateur sur ce dossier. Après le million et demi versé à Bordeaux par Escalettes, précédent président, pour préjudice suite au recrutement de Blanc, la FFF va encore perdre de l’argent bêtement. Et les joueurs ne vont pas faire des âneries tous les mois pour résorber les trous de la Fédération.

Après Abidal, Ribéry et Evra ?

Et pendant ce temps, le premier mutin en chef est de retour. Le seul à avoir évité les sanctions en se présentant avec son avocat le jour des auditions. Eric Abidal revient, donc. Juste parce que Gaël Clichy a été insuffisant sur l’aile gauche de la défense. Si Clichy avait été bon, le Barcelonnais frappeur hystérique sur les vitres du bus lors du jour historique de la grève ne serait jamais réapparu. Et les autres « caïds immatures » chers à Bachelot pourraient suivre. Patrice Evra fait acte de candidature dès qu’il le peut, confirmant qu’il ne veut pas des primes. Après le match contre l’Angleterre, sa suspension sera purgée. Avec le retour d’Abidal, il n’est pas certain qu’il aura une autre chance, mais après tout, pourquoi pas, puisque Franck Ribéry, certainement le plus ridicule en Afrique du Sud reviendra dès qu’il sera prêt physiquement. Pour la morale, espérons qu’il ne le soit jamais. Qu’il laisse Nasri, Gourcuff, Payet voire Valbuena éclore. Car si tout Homme mérite une deuxième chance, il convient de laisser un temps, pour que les plaies se dissipent.
Dans la confrérie des sanctionnés, seul Jérémy Toulalan n’a toujours pas entrevu la lumière. Trop faible en défense centrale, puis pas prêt au milieu, sa carrière internationale s’est peut-être achevée en Afrique lorsqu’il a demandé à son conseiller de réécrire le fameux communiqué, tellement le premier, rédigé par les mutins et les moutons, lui faisait honte. Le joueur ne mérite pas forcément de revenir à Clairefontaine, l’homme davantage. Le parfait opposé de Ribéry, en somme.
Alors, Laurent Blanc répète à l’envi qu’il veut solder l’épisode sud-africain. Mais il devra être patient. Que les primes soient réglées ou rendues. Que Domenech ait son dédommagement. Que les sélectionnés soient irréprochables. A partir de là, seulement, l’Histoire deviendra ancienne. Sans tomber dans l’oubli. Le 18 juin restera l’appel du Général de Gaulle. Le 20 juin, la grève des millionnaires en bus pour défendre un camarade insolent. Deux faits opposés entre un grand homme et 23 petits types. C’est aussi ça l’histoire, avec ou sans grand H.

* citation de l'auteur russe Nicolaï Karamzine dans Histoire de l'état russe.