samedi 28 mai 2011

Légendaire

Le FC Barcelone a conquis, avec brio, sa quatrième Ligue des Champions, ce samedi soir, à Wembley, face à Manchester United (3-1).
LionelMessi est le meilleur joueur du monde. Ce n’est pas nouveau, certes, mais c’est juste magnifique pour le football. Ce petit jeune homme discret, jovial et travailleur ne cesse de repousser un peu plus haut le baromètre de sa légende, alors qu’il n’a que 23 ans. Pour la troisième saison de rang, il termine meilleur marqueur de la Ligue des Champions (12 buts). Et pour la troisième année consécutive, il devrait recevoir le Fifa Ballon d’Or en décembre prochain. Ce samedi, il a livré une prestation exceptionnelle. Encore une, lors d’une rencontre importante. Toujours en mouvement par ses appels fuyants, Messi, via ses accélérations et ses passes, a noyé Manchester United, comme ce fut le cas pour le Real Madrid en demi-finale. Il ne lui manque que quelques fulgurances en sélection pour épaissir, encore plus, la trace maximale qu’il est en train de poser dans l’histoire du football. La Copa America cet été sera une belle opportunité.
Surtout, Barcelone est la meilleure équipe du monde. Ce qui n’est pas davantage une nouveauté. Mais lorsque les Catalans atteignent un tel niveau de perfection dans leur jeu de passes, dans leur pressing et dans leur mouvement, ils sont juste injouables. Même pour le récent champion d’Angleterre, totalement dépassé.

Un tir cadré pour Manchester, douze pour Barcelone

Le manque de rythme dans le sport est un débat bien vaste à la réponse toujours confuse. Guardiola y a apporté sa contribution, ce samedi. En laissant dix-sept jours de repos à presque tous ses titulaires, le technicien espagnol avait pris un risque, calculé. Car ses joueurs semblaient en deçà physiquement depuis plusieurs semaines et marqués par les quatre clasicos en dix-huit jours. Alors, ils ont eu droit à un programme spécifique. À titre d’exemple, Xavi a touché plus de 80 ballons en première période, en donnant des balles de but, en plus. Il commença par servir Pedro qui manqua le cadre (16e). Villa enchaîna en frôlant la cage des vingt mètres (20e) puis en trouvant Van der Sar qui s’allongea sur sa droite (21e). Finalement, Xavi décala Pedro à la droite de la surface. Messi se chargea d’aspirer Vidic et Evra et le petit ailier espagnol plaça une frappe sèche au ras du poteau gauche de Van der Sar, immobile (27e).En fait, les Catalans n’ont semblé en difficulté que dix minutes et trente secondes.
Les dix premières minutes, d’abord, comme en 2009. Avec un pressing haut, les Mancuniens monopolisaient plutôt bien le ballon et visaient avec réussite un axe défensif blaugrana parfois
fébrile. Une stratégie ne se limitant pas à cette séquence de la partie. Et puis, il y eut ces trente secondes bien plus dérangeantes. Alors que le Barça était en plein récital, Abidal, auteur d’un match très solide, laissa une balle sortir en touche dans ses vingt mètres. S’en suivit une touche sans conviction du latéral français, préféré à Puyol à gauche, vers des barcelonais peu concernés par le cuir. Rooney, lui, l’était. Il accéléra, servit Giggs, à l’entrée de la surface et légèrement hors-jeu, qui lui remit à vingt mètres. L’Anglais arma et égalisa sur la première et même la seule occasion de Manchester (1-1, 33e). Ce qui, au fond, ne changea pas grand-chose.
Barcelone reprit son emprise sur la partie et continua à se créer des occasions. Iniesta frappa de loin (39e), puis Messi fut à dix centimètres de reprendre un centre de Villa (43e) qui essaya de retrouver son génial coéquipier qui venait d’effacer Vidic sur une accélération et une feinte magistrales.

Un Barça MVP

Même la mi-temps ne dérégla pas Barcelone. Venu de la droite pour son énième débordement, Alves tenta une frappe alors que Pedro attendait en retrait (52e). Presque dans la foulée, Iniesta servit Messi. L’Argentin accéléra, comme toujours, et d’une frappe sèche à vingt mètres surprit Van der Sar (54e). Un but magnifique, le 53e de sa saison. Et le premier en Angleterre de sa carrière. Prouvant qu’aucune statistique ne l’arrête. Comme pour les défenseurs, en fait. Il aurait même pu signer un doublé sans un réflexe de Van der Sar (63e) et une talonnade imprécise (65e). Alors, Villa a terminé le travail d’un lob de l’extérieur de la surface à la suite d’un nouveau déboulé de Messi et d’une passe en retrait de Busquets. Van der Sar ne put rien y faire. Une triste fin, à 40 ans, ne récompensant pas une carrière remarquable.
Le trio MVP (Messi-Villa-Pedro) a encore frappé. A eux trois, ils ont inscrit 98 buts cette saison. Et puis les passeurs de Wembley sont Xavi, Iniesta et Busquets, les créateurs de cette formation, tous issus de la Masia, le centre de formation. Une équipe complète, magnifique, qui restera dans l’histoire. Pour une partie d’entre eux, c’est leur troisième Ligue des Champions (2006, 2009, 2011) s’ajoutant à un Euro et une Coupe du Monde pour les Espagnols.
Pour Guardiola, c’est aussi la troisième. La deuxième en tant qu’entraîneur (2009 et 2011), accompagnant la première du club, conquise à Wembley, déjà, en 1992, lorsqu’il était le subtil milieu de l’équipe de Cruyff. Certains, dont son mentor néerlandais, lui pensent l’envie de quitter le club à l’apogée, alors qu’il a tout gagné, plusieurs fois, en trois ans. Il reste une chose à glaner tout de même. Le titre honorifique de meilleure équipe de l’histoire. De 1956 à 1960, le Real Madrid - de Di Stefano - avait enchaîné cinq C1 et l’Ajax - de Cruyff - trois de 1971 à 1973. L'équipe de Xavi et Messi est au cœur d’une dynastie magnifique doublée d’un esprit admirable. Laisser Abidal, remis de son opération pour une tumeur au foie, soulever la Coupe aux grandes oreilles en premier en est un nouveau signe.
Ferguson, avant le match, avait parlé de « finale de la décennie ». Et si le vainqueur était le club du siècle ?
Réaction
Alex Ferguson (entraîneur de Manchester United)
Le Barça était-il trop fort pour vous ?
C'était une bonne équipe avant le match. On s'est bien préparés, on a joué comme on pouvait. Mais avec leurs passes, ils vous laissent atones, ce n'est pas nouveau. Quand on a quelqu'un comme Rooney, j'attendais quelque chose de mieux en deuxième période, mais c'est comme ça. On a fait notre jeu habituel mais on n'a pas assez dominé le milieu pour l'emporter. Jouer contre le Barça n'est pas facile, mais c'est un défi, et il faut affronter les défis, pas les fuir. Nous sommes à chaque fois meilleurs, c'est une sorte de trampoline, on avait progressé déjà après le 4-0 (encaissé au Camp Nou en 1994, ndlr). On s'améliorera la saison prochaine, et c'est un défi pour tout le monde, pas seulement Manchester. Mais être vice-champions ne nous console pas ; avec notre histoire, nous voulons être les meilleurs.

Le Barça est-il plus qu'une bonne équipe ?
Les grandes équipes ont des cycles, le leur est le meilleur en Europe actuellement, il n'y a pas de doute. Combien de temps cela va-t-il durer, vont-ils pouvoir continuer avec la même philosophie, on ne le sait pas... Ils pourront trouver encore des joueurs comme Xavi et Messi, ou peut-être pas. C'est la meilleure équipe que j'aie vue, et tout le monde le reconnaît, et je l'accepte. Ce n'est pas facile de subir cette défaite, personne ne nous avait donné une telle raclée, et ils savourent leur jeu.
Pourquoi Berbatov ne figurait-il pas sur la feuille de match ?
C'était une décision difficile de choisir l'équipe, il s'agissait de se concentrer sur le milieu, où le Barça domine. Je devais choisir entre Owen et Berbatov, et j'ai pensé que si on a besoin de quelqu'un pour marquer dans les dernières minutes, Owen a de l'expérience, et je l'ai choisi». (AFP)

lundi 9 mai 2011

La bassesse à son paroxysme

Les joueurs de Bordeaux ont eu gain de cause, Jean Tigana est parti. Mais leur comportement a été honteux.

Alors qu’il entraînait Bordeaux, Laurent Blanc avait coutume de dire que l’expérience ne s’achetait pas en magasin. La dignité non plus. Car les joueurs de Bordeaux, depuis des mois, font preuve d’une immoralité incroyable. Depuis l’arrivée de Jean Tigana, une partie du vestiaire s’est progressivement éloignée de l’ancien milieu international. Dès sa prise de fonction, il avait instauré des méthodes dures pour essayer de réveiller un groupe traumatisé par une fin de saison cauchemardesque. Mais en demandant aux internationaux (Planus, Carrasso, Gourcuff et Diarra) de revenir dès le 15 juillet et non à partir du 20 comme dans les autres clubs, en intégrant des amendes temporelles pour sanctionner les retards (le joueur devait arriver en avance le lendemain), en arrêtant de fêter les anniversaires dans le vestiaire, il a froissé les ego. Surtout, en venant seul, il s’est privé d’un soutien inconditionnel dans le vestiaire. Pire, en acceptant Michel Pavon comme adjoint, il a fait l’inverse. Pavon aime le club, c’est incontestable. Mais il a entraîné les Girondins de 2003 à 2005, les plongeant au bord de la relégation, et avait la fonction de directeur sportif depuis. Il côtoie les joueurs depuis des années. Il est ami et sort avec les barons du vestiaire que sont Planus, Ramé, Chalmé, notamment.

Du coup, au lieu de rapprocher les joueurs de Tigana, Pavon a écouté leurs doléances et les a acquiescées. Isolé, le champion d’Europe 1984 s’est entêté dans la mauvaise direction, jusqu’à consommer la fracture avec un groupe qui ne voulait plus de lui. D'ailleurs, Tigana a sa part de responsabilité. Il n'a jamais clairement établie son plan de jeu. Il voulait un bloc équipe plus bas mais avait-il les joueurs pour évoluer en contre. Et puis, sur la fin, il semblait perdu. Aligner quatre grands physiques (Diarra, Sané, Savic et Ciani) dans l'axe défensif face à des techniciens comme Martin, Boudebouz ou Maurice-Belay n'est pas une inspiration divine. Comme changer trois fois de charnière centrale, quatre fois de paire de récupérateurs et deux fois de la latéral droit durant la rencontre. Pour finir avec Chalmé milieu axe gauche...

Des erreurs des deux côtés

Seulement, plutôt que d’aller voir le président Jean-Louis Triaud, pour expliquer les problèmes et ainsi essayer de les résoudre, le groupe a lâché Tigana. Plusieurs fois. A Angers en coupe de France (1-0, le 22 janvier), à Lorient (5-1, le 19 février) en championnat et enfin face à Sochaux (0-4), ce samedi, devant son propre public. Avec à chaque fois les mêmes symptômes. Une défense bien trop haute qui joue très mal le hors-jeu, un pressing inexistant, des retours en marchant. Et même des haussements de voix de la part de Ciani lorsque son entraîneur le sort à la 35e minute et que Sochaux mène déjà 4-0. En fait, tous ne sont pas à blâmer au même niveau. Plasil, malgré un désaccord de fond avec son entraîneur s’est toujours battu. Lui court, tacle, frappe. Contre Sochaux, comme un symbole, il a signé la seule frappe dangereuse, pleine de hargne, après deux contres favorables. C’était en seconde période, après avoir disjoncté dans le vestiaire à la pause contre ses coéquipiers. Il y a aussi Carrasso qui « n’en peut plus » comme il l’a dit en plein match samedi. À Lorient, il avait été expulsé en fin de partie après en avoir pris cinq à bout portant. Cette fois, les quatre buts encaissés en 20 minutes ont valu une sortie très aléatoire dans les pieds de Boudebouz. Des actes de détresse à chaque fois.

Ces deux garçons méritent clairement de ne plus jouer à Bordeaux la saison prochaine. Ils méritent beaucoup mieux. Et dire qu’ils n’ont même pas un titre de champion de France dans leur palmarès. Qu’ils sont venus lorsque le club était au sommet pour franchir un cap dans leur carrière… Les autres, les champions de France 2009 (plus Ciani) ne méritent pas plus de rester. Mais pour d’autres raisons. Ils sont très grassement payés pour taper dans un ballon. C’est démagogique, mais une semaine à l’usine de Ford à Blanquefort leur ferait le plus grand bien. Car on n’a pas le droit de galvauder à ce point l’image d’une entreprise vieille de 130 ans.

Mais ils ont gagné, pour l’instant. Le virage sud s’est vidé à la 35e minute après avoir scandé « ridicule » alors que le reste du public applaudissait les enchaînements des Sochaliens et les ratés successifs de Modeste. Déjà contre Auxerre, après le fiasco lorientais, le public avait sorti des banderoles (pour voir les joueurs transpirer, rendez-vous sur les quais) et une grève avait été programmée en début de match. Face à Arles, des « on se fait chier » avaient été scandés. Mais ils ont gagné, Tigana est parti. Et ce n’est pas totalement de leur faute en plus. Non, il a fallu que sa fille se fasse agresser verbalement par des « supporters » pour que le coach jette l’éponge. Le putsch programmé au moment où Tigana venait d’être conforté dans son rôle pour la saison prochaine par l’actionnaire n’a, en lui même, pas suffi. Même pour ça, les joueurs n’ont pas de talent.

Tout à reconstruire

Désormais, ils sont en première ligne. Il reste quatre matches et plus rien à jouer. Certains voudront partir, mais qui voudra d’eux. Alou Diarra a fait une saison indigne de son rang. Sur ses prestations, il ne devrait pas être en équipe de France. Mais il en est le capitaine et Paris le veut au moment où Nicolas de Tavernost, le président de M6, vient de le recadrer pour la deuxième fois (dans Sud Ouest : « ce n’est pas moi qui ai pris un carton rouge », renvoyant aux six matches de suspension). Car oui, pour Diarra, Bordeaux est à sa place et n’a pas l’effectif pour viser le podium. Mieux, la défaite contre Sochaux est "normale". Pourtant, face aux cinq premiers, ils ne comptent qu’une défaite (à Marseille), six nuls (Lille deux fois, Rennes deux fois, à Lyon, Marseille) et deux victoires (Lyon, à Paris). Pas mal pour une équipe si moyenne.

Trémoulinas, annoncé à Dortmund, a enchaîne les erreurs défensives. Ciani a parfois approché le néant (à Marseille et lors de chaque naufrage prémédité notamment). Et les autres, ils veulent rester. Presque tous ont prolongé avec des conditions avantageuses leur contrat il y a un an. Parmi eux, Chalmé et Planus ont clamé leur envie de finir leur carrière en Gironde. Seulement, Chalmé n’est que l’ombre d’un footballeur professionnel. Il est constamment en retard, n’apporte presque rien offensivement. Planus est souvent blessé et aurait été l’un des meneurs de la fronde anti-Tigana jusqu’à simuler des douleurs au dos pour ne pas aider son coach face à Sochaux. Si c’est vrai, c’est grave. Un des nombreux arguments qui pourraient faire fuir bon nombre de techniciens. Car le futur entraîneur va s’engager dans un chantier béant. Monsieur Fernandez, Garcia, Gillot ou Courbis, bon courage.