
Les joueurs de Bordeaux ont eu gain de cause, Jean Tigana est parti. Mais leur comportement a été honteux.
Alors qu’il entraînait Bordeaux, Laurent Blanc avait coutume de dire que l’expérience ne s’achetait pas en magasin. La dignité non plus. Car les joueurs de Bordeaux, depuis des mois, font preuve d’une immoralité incroyable. Depuis l’arrivée de Jean Tigana, une partie du vestiaire s’est progressivement éloignée de l’ancien milieu international. Dès sa prise de fonction, il avait instauré des méthodes dures pour essayer de réveiller un groupe traumatisé par une fin de saison cauchemardesque. Mais en demandant aux internationaux (Planus, Carrasso, Gourcuff et Diarra) de revenir dès le 15 juillet et non à partir du 20 comme dans les autres clubs, en intégrant des amendes temporelles pour sanctionner les retards (le joueur devait arriver en avance le lendemain), en arrêtant de fêter les anniversaires dans le vestiaire, il a froissé les ego. Surtout, en venant seul, il s’est privé d’un soutien inconditionnel dans le vestiaire. Pire, en acceptant Michel Pavon comme adjoint, il a fait l’inverse. Pavon aime le club, c’est incontestable. Mais il a entraîné les Girondins de 2003 à 2005, les plongeant au bord de la relégation, et avait la fonction de directeur sportif depuis. Il côtoie les joueurs depuis des années. Il est ami et sort avec les barons du vestiaire que sont Planus, Ramé, Chalmé, notamment.
Du coup, au lieu de rapprocher les joueurs de Tigana, Pavon a écouté leurs doléances et les a acquiescées. Isolé, le champion d’Europe 1984 s’est entêté dans la mauvaise direction, jusqu’à consommer la fracture avec un groupe qui ne voulait plus de lui. D'ailleurs, Tigana a sa part de responsabilité. Il n'a jamais clairement établie son plan de jeu. Il voulait un bloc équipe plus bas mais avait-il les joueurs pour évoluer en contre. Et puis, sur la fin, il semblait perdu. Aligner quatre grands physiques (Diarra, Sané, Savic et Ciani) dans l'axe défensif face à des techniciens comme Martin, Boudebouz ou Maurice-Belay n'est pas une inspiration divine. Comme changer trois fois de charnière centrale, quatre fois de paire de récupérateurs et deux fois de la latéral droit durant la rencontre. Pour finir avec Chalmé milieu axe gauche...
Des erreurs des deux côtés
Seulement, plutôt que d’aller voir le président Jean-Louis Triaud, pour expliquer les problèmes et ainsi essayer de les résoudre, le groupe a lâché Tigana. Plusieurs fois. A Angers en coupe de France (1-0, le 22 janvier), à Lorient (5-1, le 19 février) en championnat et enfin face à Sochaux (0-4), ce samedi, devant son propre public. Avec à chaque fois les mêmes symptômes. Une défense bien trop haute qui joue très mal le hors-jeu, un pressing inexistant, des retours en marchant. Et même des haussements de voix de la part de Ciani lorsque son entraîneur le sort à la 35e minute et que Sochaux mène déjà 4-0. En fait, tous ne sont pas à blâmer au même niveau. Plasil, malgré un désaccord de fond avec son entraîneur s’est toujours battu. Lui court, tacle, frappe. Contre Sochaux, comme un symbole, il a signé la seule frappe dangereuse, pleine de hargne, après deux contres favorables. C’était en seconde période, après avoir disjoncté dans le vestiaire à la pause contre ses coéquipiers. Il y a aussi Carrasso qui « n’en peut plus » comme il l’a dit en plein match samedi. À Lorient, il avait été expulsé en fin de partie après en avoir pris cinq à bout portant. Cette fois, les quatre buts encaissés en 20 minutes ont valu une sortie très aléatoire dans les pieds de Boudebouz. Des actes de détresse à chaque fois.
Ces deux garçons méritent clairement de ne plus jouer à Bordeaux la saison prochaine. Ils méritent beaucoup mieux. Et dire qu’ils n’ont même pas un titre de champion de France dans leur palmarès. Qu’ils sont venus lorsque le club était au sommet pour franchir un cap dans leur carrière… Les autres, les champions de France 2009 (plus Ciani) ne méritent pas plus de rester. Mais pour d’autres raisons. Ils sont très grassement payés pour taper dans un ballon. C’est démagogique, mais une semaine à l’usine de Ford à Blanquefort leur ferait le plus grand bien. Car on n’a pas le droit de galvauder à ce point l’image d’une entreprise vieille de 130 ans.
Mais ils ont gagné, pour l’instant. Le virage sud s’est vidé à la 35e minute après avoir scandé « ridicule » alors que le reste du public applaudissait les enchaînements des Sochaliens et les ratés successifs de Modeste. Déjà contre Auxerre, après le fiasco lorientais, le public avait sorti des banderoles (pour voir les joueurs transpirer, rendez-vous sur les quais) et une grève avait été programmée en début de match. Face à Arles, des « on se fait chier » avaient été scandés. Mais ils ont gagné, Tigana est parti. Et ce n’est pas totalement de leur faute en plus. Non, il a fallu que sa fille se fasse agresser verbalement par des « supporters » pour que le coach jette l’éponge. Le putsch programmé au moment où Tigana venait d’être conforté dans son rôle pour la saison prochaine par l’actionnaire n’a, en lui même, pas suffi. Même pour ça, les joueurs n’ont pas de talent.
Tout à reconstruire
Désormais, ils sont en première ligne. Il reste quatre matches et plus rien à jouer. Certains voudront partir, mais qui voudra d’eux. Alou Diarra a fait une saison indigne de son rang. Sur ses prestations, il ne devrait pas être en équipe de France. Mais il en est le capitaine et Paris le veut au moment où Nicolas de Tavernost, le président de M6, vient de le recadrer pour la deuxième fois (dans Sud Ouest : « ce n’est pas moi qui ai pris un carton rouge », renvoyant aux six matches de suspension). Car oui, pour Diarra, Bordeaux est à sa place et n’a pas l’effectif pour viser le podium. Mieux, la défaite contre Sochaux est "normale". Pourtant, face aux cinq premiers, ils ne comptent qu’une défaite (à Marseille), six nuls (Lille deux fois, Rennes deux fois, à Lyon, Marseille) et deux victoires (Lyon, à Paris). Pas mal pour une équipe si moyenne.
Trémoulinas, annoncé à Dortmund, a enchaîne les erreurs défensives. Ciani a parfois approché le néant (à Marseille et lors de chaque naufrage prémédité notamment). Et les autres, ils veulent rester. Presque tous ont prolongé avec des conditions avantageuses leur contrat il y a un an. Parmi eux, Chalmé et Planus ont clamé leur envie de finir leur carrière en Gironde. Seulement, Chalmé n’est que l’ombre d’un footballeur professionnel. Il est constamment en retard, n’apporte presque rien offensivement. Planus est souvent blessé et aurait été l’un des meneurs de la fronde anti-Tigana jusqu’à simuler des douleurs au dos pour ne pas aider son coach face à Sochaux. Si c’est vrai, c’est grave. Un des nombreux arguments qui pourraient faire fuir bon nombre de techniciens. Car le futur entraîneur va s’engager dans un chantier béant. Monsieur Fernandez, Garcia, Gillot ou Courbis, bon courage.