Un temps éliminé par une très défensive équipe d'Arsenal, Barcelone a réussi à se qualifier pour les quarts de finale de la Ligue des Champions grâce à un doublé de Messi, un but de Xavi et l’expulsion sévère de Van Persie.

La meilleure équipe a gagné, ce mardi au Camp Nou. La meilleure équipe d’Espagne, d’Europe, du monde, peut-être même de l’histoire du football, poursuit sa route dans une Ligue des Champions dont elle est plus que jamais la grandissime favorite. Comme dans un Championnat domestique qu’elle domine outrageusement. Mais cette équipe a eu peur. Très peur même de revivre le scénario d’avril dernier. Un soir de démonstration collective soldée par une courte victoire face à l’Inter Milan de Mourinho à l'organisation défensive incroyablement solide (1-0), insuffisante pour accéder à la finale de la grande Coupe d’Europe.
Cette fois, le Barça, puisqu’il s’agit bien sûr du Barça, a tout fait pour rendre cette double confrontation face à Arsenal plus équilibrée qu’elle n’aurait dû l’être. Déjà, en Angleterre, les Catalans s’étaient écroulés dans le dernier quart d’heure, après avoir ouvert la marque par Villa et vendangé des occasions à la pelle, notamment par Messi (2-1), lors d’un récital non égalé au retour. Cette fois, ils ont maintenu le suspense jusqu’au bout, sans subir la moindre frappe des Gunners ! Il fallut même que Mascherano s’arrache d’un tacle somptueux pour enlever à Bendtner une balle de qualification alors qu’il était face à Valdes au bout du temps réglementaire.
L’ingrédient final pour rendre la soirée plus inoubliable encore et pousser le public, d’habitude avare d’encouragements, à se lâcher frénétiquement. D’autant qu’à la 52e minute, Busquets avait catapulté la balle dans ses propres filets sur un corner de Nasri, très présent. A cet instant, Arsenal était de nouveau qualifié, effaçant l’ouverture du score de Messi dans le temps additionnel d’un premier acte tout blaugrana mais aux imprécisions techniques inhabituelles. Comme souvent, l’Argentin usa d’un exploit pour décanter une partie qui se tendait. Un sombrero sur Almunia à faire entrer un peu plus le double Ballon d’Or dans la légende.
La loi et l'esprit de la loiMais si Barcelone avait outrageusement le ballon (67% sur l’ensemble du match), grâce à une circulation habituellement rapide, un mouvement perpétuel, un pressing parfait et un nombre plus que décent d’occasions (19 tirs), il ne se serait peut-être jamais qualifié sans l’aide involontaire de l’arbitre. M. Busacca appliqua le règlement à la lettre à la 56e minute, lorsqu’il avertit Robin Van Persie pour avoir frappé la balle après le coup de sifflet, alors qu'il était hors-jeu. Mais il s’agissait du second avertissement du Néerlandais, jusque là très discret et coupable d'un mauvais geste sur Alves lui ayant valu le premiert avertissement. Déjà qu’Arsenal avait perdu son gardien, le jeune Szczesny sur blessure, et avait couru dans tous les sens, avec brio et un sacrifice de chacun, depuis une heure pour freiner la circulation diabolique du ballon, l’infériorité numérique était certainement le handicap de trop.
Pourtant, Arsenal sembla résister dans un premier temps, avec une organisation identique à celle entrevue en première période poursuivant le stéréotype absolu d'un attaque-défense. Une soumission sûrement supérieure à celle imaginée par Wenger qui avait choisi Rosicky comme milieu droit pour sa qualité technique plutôt qu'Eboué, meilleur défenseur et contre-attaquant. Mais tous les Gunners étaient encore et toujours dans leur camp, en deux lignes compactes, alternants entre des positions très basses et moyennes, sans aligner trois passes de rang. Un modèle de catenaccio. Quant aux Catalans, ils étaient tous dans le camp anglais à tenter des passes improbables pour trouver une solution qui l'était tout autant. Les défenseurs centraux de fortunes oubliant même leur fonction première, Busquets se prenant pour un latéral droit et Abidal, encore auteur d’un match monstrueux, pour un milieu gauche. Quant au latéral droit Dani Alves, il était juste normal. Avant centre, donc.
Malgré une tension palpable, Xavi et Inesta continuèrent à organiser le jeu blaugrana, sans s’affoler, alors qu’il fallait marquer une fois pour éviter l'élimination et deux fois pour éviter la prolongation. Les catalans choisissaient cette dernière option en l’espace de deux minutes. Xavi fissura l’édifice anglais d’un plat du pied (69e). Messi l’explosa sur un penalty, consécutif à une faute de Koscielny sur Pedro (71e). Et l’écart aurait pu enfler sans un très bon Almunia.
C’est incontestable, Arsenal a un peu grandi depuis le quart de finale de la saison passée et la leçon infligée par ce même Barça et ce même Messi (4-1 au retour, le 6 avril). Mais un monde le sépare encore de Barcelone. Arsène Wenger a un an pour le combler. Remporter un trophée, n’importe lequel, ce qui n’est pas arrivé au club depuis 2005 serait certainement un premier pas, psychologique surtout. Loin de ces soucis et de ces regrets, Barcelone pourrait en gagner trois en autant de mois (Liga, Coupe du Roi, C1). A moins qu’un nouveau combattant n’ose contester son hégémonie. Mais encore une fois, après trois semaines où de légers doutes s'étaient immiscés, le Barça a été impressionnant et a marché sur les londoniens. Avant de marcher sur Londres, le 28 mai, lors de la finale de la C1, disputée à Wembley ?

Le film du match.-
19e : Alves cadre un coup franc. Szczesny se blesse à la main droite sur l’arrêt et cède sa place à Almunia.
33e : Iniesta voit l'appel de Villa. L'avant-centre espagnol résiste au retour de Djourou et parvient à frapper du gauche. Son tir, trop mou, n'inquiète pas Almunia.
36e : Villa temporise et sert Adriano, lancé à sa gauche. Sur la ligne de sortie de but, il centre fort et trouve le poteau d’Almunia, resté immobile.
45e+3 : A l’entrée de la surface Iniesta sert Messi d'une mini louche. L'Argentin, à la limite du hors jeu, se présente seul face à Almunia et le mystifie d'un somptueux sombrero avant de conclure d’une volée du gauche. Splendide ! 1-0
53e: Après un énorme travail de Nasri, les Gunners obtiennent un corner. Le Français le frappe et vise le premier poteau. Busquets, dévie le ballon de la tête et le met contre son camp. 1-1
56e: Van Persie continue son action alors que M. Busacca a sifflé un hors-jeu. L'arbitre lui donne un carton jaune. Le second du néerlandais. Arsenal est réduit à 10.
67e:Passe magique de Messi vers Villa qui se présente seul face à Almunia dans la surface. Le tir de l'attaquant est parfaitement repoussé grâce à la bonne sortie du gardien des Gunners.
69e: Aux trente mètres, Iniesta part seul en dribbles. Il élimine Diaby et met sur les fesses Djourou avant de servir Villa. Sans regarder, ce dernier transmet à Xavi qui, d'un plat du pied, trompe Almunia. 2-1
71e: Dans la surface, Pedro fausse compagnie à Clichy et Koscielny en passant entre les deux. L'ancien Lorientais met sa jambe et fait tomber le jeune Espagnol. Messi transforme le penalty. 3-1
85e:Superbe travail de fixation côté droit. Messi repique finalement dans l'axe et joue en remise avec Xavi et Iniesta. L'Argentin pénètre dans la surface, mais perd le ballon. Afellay, à l'affût, le récupère et frappe en angle fermé. Almunia s'interpose encore.
88e: Contre-attaque éclair d'Arsenal. Wilshere s'enfuit sur l'aile droite et attire deux joueurs. D'un extérieur du gauche, il sert sur un plateau Bendtner dans l'axe. A cause d'un contrôle raté, le Scandinave permet à Mascherano de revenir.
Les réactions.-
Josep Guardiola, entraîneur de Barcelone
Arsène Wenger s'est plaint de l'exclusion, qu'en pensez-vous ?
La réalité, c'est qu'ils n'ont pas aligné trois passes de suite, ils n'ont pas tiré au but. Ils ont pourtant des joueurs de classe comme Van Persie, Nasri, Rosicky... C'est parce qu'on a fait un match extraordinaire, on a joué très bien à onze contre onze, et à onze contre dix on a joué encore mieux. Peut-être qu'ils voulaient garder le résultat, je ne sais pas. Mais sa réaction, je peux la comprendre, je suis entraîneur. Je peux entendre les plaintes, mais si un jour on se rencontre autour d'un verre de vin, on pourra parler foot. Je ne sais pas quelle analyse ils vont faire. Il peuvent dire qu'ils sont éliminés parce qu'ils ont joué à 10 contre 11, s'ils croient cela, si c'est leur manière d'analyser, d'accord. Il est arrivé beaucoup de choses au match aller, beaucoup. On a regardé le match, on a vu qu'on avait bien joué mais fait quelques erreurs, on a essayé de les corriger. C'est comme ça que nous, on fonctionne.
Méritiez-vous de l'emporter avec un score plus ample?
Beaucoup plus ! Mais les occasions, il faut se les créer et il faut les mettre. A la fin, si "Masche" (Mascherano) n'est pas plus rapide que Bendtner, on est éliminés. En Coupe d'Europe, ça se joue là-dessus aussi.
Qu'est-ce que cela vous fait de vous qualifier pour la troisième fois consécutive pour les quarts de finale?
Revenir en quart, c'est fantastique, parce que ça se joue sur des détails. Peu importe qui entraîne, ce qui importe c'est les joueurs et qu'ils y ait de la continuité. Un jour, quand vous passerez en revue les meilleurs buts de Messi, vous n'aurez jamais assez le temps : il en met tellement que cela en devient normal. Andres Iniesta a aussi été très bon, avec cette manière de lever la tête au bon moment.» (AFP)
Eric Abidal (défenseur du FC Barcelone, au micro de Canal Plus) : «L'objectif était de passer en quarts. Ce n'était pas un match facile. On est très bien rentré dans la partie et on a fait une bonne première mi-temps. C'est sûr qu'après l'égalisation, c'est devenu compliqué. (Le Barça moins à l'aise qu'en novembre ?) Je ne sais pas si c'est l'impression qu'on donne. Maintenant voilà on sait que à chaque fois l'étau se resserre et le niveau devient plus élevé. Sur le match aller, si on regarde bien la première partie de la première mi-temps on a eu des occasions, on aurait pu en mettre deux et peut-être que le match aurait été tout autre. Mais voilà les années ne se ressemblent pas et il faut faire encore plus d'efforts même quand on est au Barça. (Carton rouge justifié ou sévère pou Van Persie?) Un peu des deux, il y a des règles à respecter : quand l'arbitre siffle il ne faut pas toucher le ballon, maintenant lui n'avait pas entendu le coup de sifflet. Ce sont des choses qui arrivent, mais voilà, le haut niveau ça se joue sur des détails. Malheureusement ils ont fini le match à 10. Peut-être que pour nous ça a été plus facile à 11 contre 10. Maintenant ça nous servira à nous aussi de leçon. A partir du moment où on a perdu le ballon et le ballon est pas pour nous, il faut le laisser.»
Arsène Wenger, entraîneur d'Arsenal
«J'éprouve de la colère et des regrets. La décision de l'arbitre est incroyable. Franchement, dans un match de cette importance, c'est incroyable. Vous entendez le bruit qu'il y a derrière... C'est le regret de la soirée, pour moi bien sûr mais aussi pour tous ceux qui aiment le foot. Je regrette que l'arbitre n'ait pas pris un peu plus de distance sur cette décision. Il a tué le match. Je suis convaincu qu'après la pause, on pouvait gagner ce match. Le Barça est assez bon pour gagner d'une autre manière, tout le monde a les mêmes regrets dans le vestiaire. Une fois qu'on était dix, ça a été vraiment difficile.» (AFP)